Quand on est maman et maitresse en maternelle, on se pose mille questions pour savoir si on fait bien les choses, si les enfants apprennent et grandissent comme il se doit. Quand le monde va de travers, c’est toutes les bases, que l’on veut inculquer à nos enfants, qui s’écroulent.
J’ai fait le choix de ne pas parler des derniers évènements dans ma classe, ni même à mes enfants.
Il n’est pas question de faire l’autruche ou de mettre un mouchoir sur les problèmes de notre société. Bien au contraire! Nous avons voulu les protéger, ne pas les affoler ni même les traumatiser. Les parents ont continué d’emmener les enfants dans leur classe, les enfants continuent d’aller à la piscine et nous on continue de manger des galettes et de fabriquer des couronnes. C’est peut être grâce à ça que je n’ai pas cédé à la psychose et à l’addiction médiatique des derniers jours.
Il y a des sujets sur lesquels il est important d’aider les enfants à se construire une ouverture d’esprit. A l’école, ces sujets peuvent se transformer en débat philosophique, si si en maternelle c’est possible, sur des thèmes qui leur sont proches : l’amitié, l’école, donner, partager, aimer, accepter la différence… Ils ont toujours pleins d’idées !
Pour continuer dans cette lancée, à la maison on parle souvent de sujets dont on ne parle pas à l’école : le mariage gay, la maladie, la mort, les religions… Mais le sujet du terrorisme, des attentats, des assassinats, les meurtres, les viols… je ne peux pas. C’est au-dessus de mes forces. M’assoir devant ces petites têtes, les yeux écarquillés, où toutes les informations se mélangent, les questions se bousculent, j’aurais trop peur de susciter des questions dont ils sont incapables de comprendre les réponses. Vraiment je ne peux pas !
Je préfère attendre les questions et essayer d’y répondre en conservant leur vision du monde avec leurs mots. Je ne peux pas expliquer les raisons des actes de cette barbarie, c’est tellement absurde, immoral, inacceptable que même moi je ne les comprends pas! Pourtant le monde de nos enfants n’est pas tendre, on n’est loin du monde des bisounours, la cour de récréation est un excellent vivier pour cela. Ils savent bien qu’il existe des méchants, des vrais. Mais expliquer pourquoi certains méchants, qui tuent des gentils, se font punir en se faisant tuer par d’autres gentils, d’autres méchants préfèrent se punir (tuer) tout seul ou d’autres vont au coin (en prison) et deviendront un jour peut être des gentils.
Sur une boite de jeu, je regarde si l’âge de mes enfants est adapté. J’ai souvent choisi des jeux au dessus de l’âge de ma fille car elle s’ennuyait avec les jeux de son âge. Mais certains jeux ont des règles trop compliquées ou demandent de savoir lire. La compréhension de notre société c’est comme une boite de jeu qui n’est pas adaptée à leur âge. A quoi bon jouer à un jeu auquel ils ne comprennent pas les règles et pendant lequel ils ne prennent aucun plaisir à cause de leur jeune âge. La boite de jeu de notre société a été livrée sans mode d’emploi, on ne comprend pas toujours les règles et pourtant certains parents, laissent les enfants apprendre seuls, en les laissant regarder les informations à la télé sans explication, d’autres parents laissent la boite de côté en attendant qu’ils comprennent, d’autres ouvrent la boite et sortent quelques cartes pour voir si les enfants sont intéressés et d’autres qui ne savent même pas que la boite de jeu existe, laisseront les enfants apprendront seul, avec les copains ou à l’école.
Je ne sais pas ce qui est la meilleure solution.
J’ai été admirative de tous ces parents qui ont expliqué l’actualité à leurs enfants, qui les ont emmenés à la manif au milieu de plus de 2 millions de personnes. J’ai fait le choix d’attendre qu’ils aient l’âge de poser des questions pour comprendre.
Mon expérience dans ma classe est encore un exemple qui me conforte dans mon choix.
Les élèves de ma classe, pendant l’heure de déjeuner, ont été confrontés à une situation que nous n’avions pas prévu. Ils ont entendu le message diffusé par haut parleur expliquant les raisons de la minute de silence. Ces explications étaient adressées aux élèves de l’élémentaire. Mais comme nous partageons les locaux de cantine pour certaines classes de moyennes et grandes sections, ils ont tout entendu : morts, charlie hebdo, attentat, minute de silence, la chanson de la marseillaise et l’hymne aux morts. Entre les mots qu’on ne comprend pas et les images de la télé, je ne sais pas ce qui est pire. On leur a juste demandé de se taire. Ils n’ont pas compris et pourtant ils se sont tous tus pour les gentils qui ont été tués par les méchants, qui ont été tués par les gentils, avant qu’ils ne tuent d’autres gentils. Immoral ! En rentrant en classe, certains m’ont dit : je pense tout le temps aux morts, c’est des méchants, c’est interdit de tuer, ils ne veulent pas la liberté.
La confusion totale !
Mais pourquoi imposer la minute de silence aux maternelles? J’ai demandé aux enfants qui avaient des questions, de venir me voir pendant la récréation. Personne n’est venu. Ils ne font que répéter ce qu’on leur a dit. Et c’est là le problème !
Vous comprendrez quand vous poserez des questions.
Pour d’autres raisons je n’ai pas voulu marcher au milieu de 2 millions de personnes. Mais je remercie tous ceux qui y sont allés. Je serai fière d’expliquer les évènements à mes enfants quand le moment sera venu. J’aime ce monde de liberté, je veux croire que l’école d’aujourd’hui et de demain ancrera les valeurs de la République, en faisant vivre les valeurs de la liberté de la fraterntité et de l’égalité.
J’ai prévu de travailler sur le thème de la paix et de participer à la 26ème semaine de la presse et des media à l’école. Un bon moyen de prendre du recul et d’aborder le sujet avec les maternelle.
En attendant je garde mes peurs pour moi, j’ai peur pour demain car il y aura toujours des méchants.
2 Comments
Depuis que j’ai pleuré en regardant les infos devant Clément, il y a 4 ans je ne les mets plus en sa présence. Mais par rapport à ce qui s’est passé le 7 hors de question de ne pas allumer le poste, il a donc vu des choses que je lui i expliqué. C’est un choix que j’assume et qui n’est peut-être le bon mais c’est le mien.
Je ne l’ai pas emmené à la manif mais nous avons été tous les deux à Chatillon-Montrouge mettre des fleurs pour la policière municipale. Idem on continue comme avant mais surement avec autre regard.